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LA CHEMINEE ET LES MURS

Le samedi 8 mai 2010, en Corrèze comme partout en France, on commémore la victoire de 1945 sur le nazisme (et oui, contrairement à un acteur de cinéma français très connu, nous, nous savons encore et toujours ce qu’on commémore en France le 8 mai…).

Mais sur le stade Amédée Domenech de Brive-la-Gaillarde se déroule aussi ce jour-là une fête, une sorte de fête du rugby : tous les ans en effet, à cette date, se jouent toutes les finales du championnat du Limousin de rugby.

Euh… Et le lien avec le four, il est où ?…

Parmi les membres de mon équipe de bâtisseurs, il y a mon (presque) gendre Thierry qui, depuis une vingtaine d’années, dispute ce championnat dans différentes catégories. Et voilà que, pour la première fois de sa carrière, avec son équipe de Varetz (commune située à une petite dizaine de kilomètres d’Allassac), équipe dont il est d’ailleurs le capitaine, il fait aujourd’hui partie de ceux qui vont pouvoir fouler la pelouse de ce stade sur lequel évoluent le reste de l’année les meilleures équipes de France, ainsi que certaines équipes européennes lorsque les saisons sont fastes pour le CAB.

Pas question donc de s’occuper du four aujourd’hui : tous à Brive pour encourager Thierry et ses coéquipiers !!!

Pour Varetz (comme pour les autres certainement), la tension est à son comble : jouer dans ce stade est vraiment un évènement pour les joueurs Amateurs (avec un grand A) de notre région ! Voyez plutôt :

– Jeannot, qui a été obligé d’acheter une paire de crampons pour ce match (les

siens étant vraiment hors d’usage), est entré sur le terrain avec sa vieille paire de chaussures à la main. Question de Thierry : « Tu vas où avec tes vieilles godasses à la main ? »… Réponse de son coéquipier : « Je suis obligé, je leur avais promis qu’elles seraient de la fête ! »…

– Quant à Berbert, de retour aux vestiaires après le match, il sortira de son slip

une poignée d’herbe qu’il aura arrachée avant de quitter le terrain et en offrira la moitié en souvenir à son capitaine…

14 heures… Thierry entre donc (tendu ? tendu.) sur cette pelouse suivi de son équipe pour disputer la finale du championnat de première série contre Mansac. Mansac est favorite.

 

Au coup de sifflet final et après avoir mené, été menée puis mené à nouveau, c’est l’équipe de Varetz qui l’emporte 6 à 5 ! Victoire difficile, due à la hargne des gars en noir et orange. Mais certainement aussi à l’envie de gagner qu’a su leur communiquer Thierry. Pour nous, ce n’est pas une surprise, Thierry nous a montré par le passé qu’il savait se battre et remporter des combats pas gagnés d’avance…

 

Thierry, merci pour la belle émotion de ce jour et bravo de la part de toute l’équipe du Boico… Ton fiston est encore trop petit pour comprendre, mais il y a fort à parier qu’il sera fier de son papa…

Bien. Maintenant que la saison de rugby touche à sa fin, tu vas de nouveau être disponible pour le four !!! C’est une affaire qui marche ça !

Revenons au four.L’extérieur de la voûte est désormais enduit d’une couche de coulis. Avant le séchage de ce coulis, je fixe une dizaine de pierres sur le sommet du dôme. Pourquoi ? Parce que je les ai trouvées disposées ainsi sur le four d’origine à Chauvignac ! Mais je m’interroge quand même sur l’utilité de ces pierres à cette place… Leur fonction ne me semble en effet pas évidente… Peut-être leur rôle est-il d’éviter au tuf de glisser ?… Toujours est-il que je fais confiance à mes ancêtres : si le four de Chauvignac était bâti comme ça, il doit certainement y avoir une bonne raison. Je le rebâtis donc comme ça.

Il est maintenant temps de commencer les murs et la cheminée. J’ai décidé de me simplifier un peu la tâche : au lieu de monter l’encadrement de la porte en pierre, je le réalise en brique, c’est beaucoup plus simple. Pour une fois, tant pis pour l’authenticité… J’en profite pour rendre un modeste hommage à la briqueterie Rendouillet en positionnant bien en vue deux briques arborant son nom…

                                                                                                                                                                                                                                                                         Arrivé aux environs des deux tiers de la hauteur extérieure de la voûte, j’interromps momentanément la construction des murs pour combler de tuf l’espace existant entre les murs et la voûte et pour bâtir, toujours en brique, l’arc de décharge au-dessus de la porte du four.

Avant de mettre le tuf sur et autour de la voûte, j’enduis la couche de coulis de cendres très fines : ceci me permet de colmater les fentes qui se sont dessinées dans la couche de coulis.

                                                                                                                                                                                                                                                                                  Je comble enfin de tuf jusqu’à la hauteur actuelle et temporaire des murs.

 Samedi 15 mai, journée à marquer d’une gelée blanche au Boico. Tôt ce matin nous avons appris la naissance d’Alicia, premier enfant de Sandrine et Franck, et ça c’est une bonne nouvelle ! Rappelez-vous, Franck, c’est le cerveau et l’informaticien de l’équipe des bâtisseurs. Un peu plus tard dans la matinée, Mado, fraîchement proclamée mamie, a fait provision d’une boisson gazeuse que nous allons déguster (avec modération bien sûr) dès aujourd’hui. Avec toutes les péripéties de ces dernières semaines, le four n’avance pas vite, mais j’ai des excuses !

Après la finition de l’arc de décharge au-dessus de la porte et des murs entourant le four, je termine la mise en place du tuf sur la voûte.

Maintenant, rien ne m’empêche de sortir le moule de la voûte (à part une légère appréhension peut-être…). Le dimanche, quelques membres de l’équipe semblent vouloir « voir ce que ça donne… ». Je leur rétorque que « Non, je ferai ça tout seul ; comme ça, si tout s’effondre, il n’y aura pas de spectateurs ! ». Mais dès le lendemain soir, puis le mardi soir, je « trifouille » un peu à l’intérieur. Je constate que mon moule à l’air de se démonter sans trop de problèmes. Il faut dire que je ne suis pas trop rassuré et me débrouille pour avoir le temps de finir ma démolition (tiens, il y avait longtemps !) le mercredi après-midi. Ce n’est pas toujours simple, mais mes petites astuces prévues lors de la construction s’avèrent efficaces, ce qui me permet le soir-même d’obtenir un four vide… et non effondré ( !), ce qui n’est pas négligeable !!!

Lorsque le four est débarrassé de tous les matériaux qui en composaient le moule (planches, gabarit, sable, cailloux de drainage, ou bien encore plâtre), on peut enfin voir la voûte de dessous, et je dois reconnaître que je suis assez satisfait de ma construction ! J’espère seulement qu’elle va tenir lors de la chauffe… La répartition des charges sur les dalles de la sole à l’aide de deux épaisseurs de planches croisées à 90° a joué son rôle : les dalles n’ont subi aucun dommage.

Avant d’allumer le feu, il me faut finir la cheminée. Bien que je n’aie encore rien prouvé sur le bon fonctionnement de mon four, j’aimerais revenir sur ce démoulage, étape très importante dans cette construction.

Si j’avais réalisé ce moule tout en sable, comme tout ceux qui l’ont fait avant moi, j’aurais fait comme eux : j’aurais certainement transpiré davantage ! En effet, le sable se tasse de lui-même et la tâche est assez fastidieuse.

Pourquoi ma méthode a bien fonctionné (pour le démoulage au moins !) ?

– Quant on débute dans ce genre de travaux sans n’avoir aucune expérience, il faut être à l’écoute. Toutes les idées proposées par les membres de l’équipe, ou par d’autres personnes, sont toutes à analyser, même celles qui semblent les plus farfelues. En exemple, je citerais l’idée de Franck d’attacher les planches avec des ficelles pour permettre de les tirer plus facilement. J’ai réfléchi à cette (bonne) idée, je l’ai améliorée, remplacé les ficelles par du fil électrique, plus solide et facile à repérer avec ses couleurs pour respecter l’ordre d’extraction. Sacré Franck, ingénieur un jour, mais surtout ingénieux toujours…

– Lorsqu’on construit le moule, il faut toujours garder à l’esprit que tous les éléments doivent obligatoirement ressortir par la porte. Bien sûr, c’est évident, mais lorsqu’on a « la tête dans le guidon » (ou dans le four) on peut l’oublier…

– Il faut enfin trouver des astuces pendant la construction qui permettront de diminuer le volume lors de la démolition. Installer les gabarits sur des pieds posés sur des profilés métalliques creux.

– Utiliser des « cailloux » en polystyrène  qui, dans leur volume global, emprisonnent de l’air.

– En résumé, il faut avoir un moule capable de soutenir le poids des briques pendant la construction, mais avec le maximum de volume d’air. J’ai pu vérifier combien tous ces petits espaces libres sont bien utiles au démoulage…

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Alors que la cheminée et les murs montent tranquillement, le temps des cerises est enfin revenu…

Le clafoutis ayant été commandé à notre mamie Léonie à l’occasion de la Fête des Mères, l’aubaine était trop belle : il fallait lui faire expliquer les secrets de la recette à sa façon. Parce que les explications culinaires dans la famille, c’est quelque chose ! Comprend qui peut ! A moins que ce ne soit là un moyen de tenir bien secrètes les clefs de la réussite gustative… Delphine s’y colle : « Il est bien bon ce clafoutis mamie. Redis-moi comment tu fais. Parce que mes clafoutis à moi, ils ressemblent à tout, sauf aux tiens !!! »

Oh tu parles… C’est pas bien difficile…

Je commence toujours par une pincée de gros sel (pas de sel fin, ça, c’est du sel de régime).

Après, suivant la taille de la « tôle » (moule), j’ajoute 4 œufs ; si elle est plus petite, il n’en faut que 3, ou 2, enfin, tu vois bien…

Je bats bien bien.

J’ajoute 4 cuillères à soupe de sucre (je marche toujours par œufs : 4 œufs-4 cuillères, 3oeufs-3 cuillères…).

Bon. Je mélange.

J’ajoute les parfums. Moi je mets de la vanille et quelques gouttes de fleurs d’oranger, mais il y en a qui mettent du rhum… Bref, tu fais comme tu veux.

J’ajoute la farine. Quelle quantité ? Je sais pas moi, à peu près, tu vois bien ce que ça donne quand tu bouères (mélanges) ! Mais il faut pas trop en mettre, sinon ta pâte elle sera amassie (trop compacte)…

Ensuite, il faut mettre la matière grasse : 3 cuillères d’huile. 3 cuillères à soupe ? Pouh, je te sais moi ! Je mesure sans cuillère moi ! (… ?!)

J’obtiens une pâte que je ramollis avec 2 cuillères de lait, puis 1 cuillère d’eau, puis encore 2 d’eau et 1 de lait et ainsi de suite jusqu’à ce que ça me semble ramolli comme il faut.

Ensuite, il faut bien laisser reposer, 2h, même 2h30. En fait, moi je prépare ma pâte en me levant le matin.

Après, je beurre ma « tôle », et je la clafis (remplis) de cerises équeutées. Je les aplatis bien les unes devant les autres, comme ça, côte à côte.

Je préchauffe mon four pendant 10 minutes (l’hiver, c’est encore mieux, il cuit dans ma cuisinière à bois) et li t’y cougne dedin (et je te l’enfourne dedans) ! Et pi voilà. C’est pas compliqué tu vois…

Ah ben non, vu comme ça, c’est pas compliqué effectivement… Toujours est-il que c’est bien bon !

Observateur que je suis de nos paysages et de nos pierres et à l’occasion de mes nombreux déplacements sur nos routes corréziennes, j’ai pu observé un four qui, comme beaucoup de ces constructions qui se trouvent bien souvent dans d’anciennes petites fermes aujourd’hui abandonnées, menace malheureusement de s’effondrer. En effet les derniers utilisateurs de ces fours sont morts et, comme le chante à si juste titre Jean FERRAT dans sa chanson « La montagne », les héritiers de ces bâtiments ont certainement « quitté le pays pour s’en aller gagner leur vie loin de la terre où ils sont nés… ».

Lundi, je suis passé à Eyzac sur la commune de Chanteix, où ce trouve ce four malade, et ce que je craignais était arrivé : le four est en partie écrasé.

De plus en plus curieux (et amoureux ?) de l’architecture de ces fours à pain, je n’ai pas pu m’empêcher de m’arrêter pour observer la conception de ce four afin de la comparer à celle de celui de Chauvignac que je suis en train de déplacer au Boico.

Et là, surprise ! : ce four, qui se situe à seulement 3 kilomètres de Chauvignac, est la copie conforme du four de mes ancêtres : mêmes dimensions, même maçonnerie, même encadrement de porte, voûte identique, la première partie est elle aussi composée de huit rangées de briques de 40 mm d’épaisseur, le dôme est lui aussi en briques de 20 mm… Et devinez quoi ? Ces briques portent aussi la marque de la briqueterie « J.RENDOUILLET AU BARIOLET » !!!

 

 

 

Toutes ces similitudes (un peu émouvantes il est vrai) me laissent à penser que dans ce petit coin de Corrèze, existait il y a environ deux cents ans un maçon qui devait être très sollicité par les paysans de l’époque car il leur permettait, grâce à la réalisation de ces fours individuels, d’avoir au moins du pain à manger…

Quant au four du Boico, les murs et la cheminée se terminent, la prochaine étape étant la charpente.

Les murs et la cheminée du four étant terminés, je commence la charpente. La première chose avant de se lancer dans la taille d’une charpente, c’est de choisir la forme du toit. Pour cela, il faut en définir la hauteur et l’inclinaison. Désireux d’éviter d’éventuelles futures « critiques », je me lance dans une consultation assez large. J’essaie ensuite de faire la synthèse de toutes les solutions qui m’ont été proposées. Pour concrétiser la solution retenue et pour en faciliter la compréhension, je décide de réaliser une maquette à l’échelle. Cette forme de toit étant validée, le travail peut commencer…